Le Président de l’Assemblée nationale, Alassane Bala SAKANDE, dit s’être jeté à l’eau. Lors de la Déclaration de Politique Générale du Premier ministre Christophe DABIRE le 04 février dernier, il a plaidé pour la limitation du nombre de partis politiques au Burkina. On sujet sensible, dit-on, mais qu’il fallait poser tôt ou tard.
C’est le législateur en chef en personne qui plante le décor : « J’ai vu sur le terrain le nombre de partis politiques qui ont fait campagne. Ils ne dépassaient pas la trentaine, sur les 80. En faisant comme ça, on gaspille du papier et on met en difficulté nos populations pour le choix des candidats. Ces partis gagnent du financement. Donc c’est trop facile pour quelqu’un de ne rien faire et, à la veille de l’élection, il se porte candidat en sachant qu’il aura quelques subsides… » Bala SAKANDE a ainsi pris le risque de parler d’un sujet qui fâche.
Il faut rappeler que par communiqué en date du 03 septembre 2020, le Ministère de l’Administration territoriale avait publié une liste des organisations politiques en règle, autorisées à prendre part aux élections couplées de novembre. Ce sont 143 partis politiques, 03 formations politiques et 15 regroupements d’indépendants. Parmi ces organisations, seulement 15 partis politiques ont obtenu au moins un siège aux législatives du 22 novembre. Pourtant, tous ceux qui ont déposé des candidatures, des plus sérieuses aux plus farfelues, ont reçu des financements publics.
En Afrique francophone, la fin des années 80 a marqué le déclin des partis uniques, et le début des années 90, le printemps du multipartisme. Mais au Burkina Faso et dans d’autres pays, on y est allé trop à fond. Même si on est loin de la RDC qui compte près de 500 partis, on n’est pas en reste avec plus de la centaine.
Il faut le dire : Certains citoyens ont pour métier le titre de présidents de partis. Avec ce titre ronflant et vide, ils escroquent, menacent, crient parfois famine, et s’agitent devant les sujets importants de la vie de la Nation.
Alassane Bala SAKANDE semble avoir limité l’enjeu au financement public. C’est plus que cela. Si les petits partis prolifèrent, c’est parce qu’ils servent les causes des grands partis. Ces derniers les utilisent en effet, tantôt comme des fusibles, tantôt comme des idiots utiles pour mener des batailles par procuration, tantôt comme des fous du roi pour lancer des ballons d’essai.
La bataille des petits partis va au-delà des menus financements de campagne. Il y a mieux ailleurs : Des structures comme la CENI, la Commission constitutionnelle, le CSC, le CES et les autres organismes qui demandent des représentants de divers bords.
Et il y a le paramètre non moins négligeable de la guerre des chiffres. Pour un candidat sérieux à la présidentielle, dire que l’on est soutenu pour un grand nombre de partis, ça fait fort. Les petits partis en sont conscients, et monnayent souvent cher leurs services. La conséquence de ce capharnaüm politique, c’est l’émiettement sans cesse des voix, la montée d’un parti Etat avec tous les dérives qui vont avec, et le dégoût des citoyens pour la chose politique. Il faut donc agir. Et comment ? Le politologue Abdoul Karim SAIDOU déclarait le 07 février à ACTUALITE.BF qu’au regard de la Constitution, il n’est pas possible d’imposer une limitation du nombre de partis.
Par contre, estimons-nous, la solution nigériane pourra inspirer le législateur. En 2019, la Commission électorale nationale indépendante (INEC) du Nigéria a dissous 75 des 92 partis qui existaient dans le pays. Pour cause, la Constitution nigériane et la Loi électorale de 2010 stipulent qu’au cours d’une élection présidentielle, un parti politique doit avoir remporté au moins 25 % des suffrages dans un des 37 États que compte le Nigeria. En plus de cela, les partis doivent avoir au moins un élu dans une commune. Faute de quoi, ils perdent le statut de parti politique. Et c’est ce qui expliquait la dissolution des 75 formations politiques.
Avec ces mécanismes, la vie politique nigériane est dominée par deux principaux partis : le Congrès des progressistes (APC) et le Parti démocratique populaire (PDP). L’alternance est fréquente entre ces deux partis, et la stabilité démocratique est garantie, malgré les affres de Boko-Haram.
Au Burkina, il faut une règlementation stricte, à la nigériane. En attendant la révision des textes électoraux, le Ministère de l’Administration territoriale devrait mettre plus de rigueur dans le contrôle des activités des partis (instances, sièges, organisations, participations à l’animation de la vie politique,…) A partir de ces critères déjà, beaucoup de « partillons » jetteront l’éponge ou feront fusion avec d’autres partis sérieux. Et la démocratie s’en portera mieux !