Un rescapé du massacre de Nouna : « Ils ont bandé mes yeux et m’ont remorqué sur une moto pour m’emmener… »

Une vue des animateurs de la conférence de presse.

Le 30 décembre 2022, en riposte à une attaque de leur QG, des Volontaires pour la Défense de la Patrie (VDP) de la confrérie dozo de Nouna ont pris pour cibles des quartiers peuls. Un massacre qui a fait près d’une trentaine de morts et de nombreux déplacés. Face à la presse ce mercredi 4 janvier 2023, des ressortissants de la Kossi vivant à Bobo-Dioulasso ont tenu une conférence de presse pour attirer l’attention de l’opinion nationale sur ce nouveau massacre contre la population peule.

« Ils sont venus me faire sortir de chez moi en présence de ma femme. Ils ont bandé mes yeux et m’ont remorqué sur une moto pour m’emmener. En route, je leur ai dit que si c’est pour m’emmener à la police, il n’y a pas de problème. Mais j’ai senti que ce n’était ni à la police, ni à la gendarmerie qu’ils m’emmenaient. Ils m’ont emmené en brousse. C’est là que l’un d’eux a donné l’ordre de tirer sur moi avant que lui-même le fasse. Ils m’ont dit de marcher pour repartir. Lorsque j’ai tourné dos, un membre du groupe a tiré sur moi. Mais Dieu voulant, la balle ne m’a pas atteint . J’ai pu fuir pour me cacher. Après, ils sont arrivés chez moi. Ils ont tué mon fils de 16 ans, mon beau père et son beau-fils. Par la suite, ils ont parcouru plusieurs concessions peules où ils ont tué tous les hommes présents » : C’est le témoignage glaçant de A. D., maître coranique vivant à Nouna, après le massacre du 30 décembre 2022.

Comme lui, il y a l’imam du mouvement sunnite de Nouna qui, lui, a dit avoir eu la vie sauve grâce à l’intervention de la hiérarchie militaire. « Après mon arrestation, j’ai eu la vie sauve grâce à l’intervention du président de la Fédération des Associations Islamiques du Burkina qui a appelé le colonel Mamadou Traoré à Ouaga. Le colonel Traoré a appelé le chef d’Etat-major de la gendarmerie pour l’informer de la situation. C’est lui qui, de Ouaga, a appelé le chef des Dozo pour lui dire de me libérer. Amené chez le chef des Dozos, j’ai été libéré effectivement grâce à l’intervention des chefs religieux. »

Pour Hamidou Sidibé, ressortissant de la Kossi résidant à Bobo-Dioulasso, ce drame est consécutif à plusieurs situations similaires que la communauté peule vit depuis la crise du terrorisme au Burkina. Une communauté victime des attaques terroristes et prise à partie par des populations les accusant de complicités avec les groupes armés terroristes.

Dans cette situation, les peuls se retrouvent, selon Hamidou Sidibé, entre le marteau et l’enclume. « Il y a d’un côté, les djihadistes qui les attaquent, les tuent, prennent leurs bœufs et les chassent de leurs villages, et de l’autre côté, vous avez, dans la population, des gens qui les prennent à partie et qui pensent que ce sont eux qui sont responsables de cette situation », a déploré Hamidou Sidibé.

Le massacre de Nouna a fait, selon un communiqué publié le 2 janvier 2023 par le Parquet du Tribunal de grande instance de Nouna, au total 28 victimes. Un massacre de trop, selon les ressortissants peuls de Nouna résidant à Bobo-Dioulasso. « L’ordre qui a été donné, c’est de rentrer dans toutes les cours peules de Nouna pour les tuer. »

Journalistes et ressortissants de la Kossi à la conférence

Le massacre du 30 décembre 2022 à Nouna rappelle celui de Yirgou en janvier 2019. Un massacre sans précédent au cours duquel de nombreux peuls ont péri. Hamidou Sidibé a invité les autorités compétentes à se saisir de cette affaire afin que les présumés coupables soient traduits en justice. « Faisons attention aujourd’hui! Nous devons tirer leçon de ce qui est arrivé à Yirgou et faire attention pour qu’à Nouna, l’Etat joue son rôle. Le rôle de l’Etat, c’est de dire à chaque Burkinabè qu’il est protégé », a affirmé M. Sidibé.

Dans son communiqué, le Parquet avait rassuré les populations qu’une enquête a été ouverte en vue d’identifier et d’interpeller les acteurs « de ces agissements d’une gravité inouïe. »

Ce drame de Nouna a poussé 150 personnes à fuir leur localité pour rejoindre Bobo-Dioulasso, selon less conférenciers.

Don de vivres aux nouveaux déplacés

A ces nouveaux déplacés, les ressortissants peuls de la Kossi résidant à Bobo-Dioulasso ont fait des dons composés de sacs de riz, de bidons d’huile alimentaire, de savon, de nattes et des bouilloires, pour les aider à survivre en attendant de retourner dans leur localité.

Gibran Millogo,

Correspondant de ACTUALITE.BF dans le Grand Ouest