Le mercredi 6 novembre 2024, Donald Trump a été officiellement déclaré vainqueur de l’élection présidentielle américaine face à Kamala Harris, qui a reconnu sa défaite en appelant ses partisans à « continuer à se battre ». Alors que certains observateurs pourraient s’attendre à des réactions de félicitations de la part de Moscou, le Kremlin a indiqué qu’il ne prévoyait pas de féliciter immédiatement Trump, un choix qui révèle la prudence et les attentes mesurées de Vladimir Poutine.
Selon Dmitri Peskov, porte-parole du Kremlin, Trump sera jugé non pas sur ses promesses, mais sur ses actes. Il a rappelé que la Russie considère les États-Unis comme “hostiles” à cause de leur soutien à l’Ukraine dans le conflit en cours.
Trump s’est engagé à mettre fin au conflit russo-ukrainien rapidement, une promesse qui intéresse particulièrement Moscou. Toutefois, Moscou reste sceptique. Lors de son premier mandat, Trump n’avait pas levé les sanctions imposées à la Russie après l’annexion de la Crimée en 2014, ni rétabli de véritables relations diplomatiques entre les deux pays. Pour Moscou, les annonces de Trump sur une “solution rapide” pour l’Ukraine rappellent davantage une rhétorique politique qu’une garantie d’action.
Sur le conflit ukrainien, la position de Donald Trump diffère de l’administration précédente, puisqu’il s’oppose aux envois massifs d’aide militaire à Kiev, qu’il juge coûteux pour les États-Unis. Selon certains analystes, si Trump exerçait une pression sur l’Ukraine pour accepter des concessions territoriales, cela pourrait donner à Poutine un avantage stratégique en lui permettant de consolider ses gains territoriaux. Cependant, d’autres experts comme Nina Khrushcheva rappellent que Poutine voit dans cette guerre bien plus qu’un enjeu territorial : “il s’agit d’un pilier central de sa politique et de son image de dirigeant fort”.
Malgré les attentes élevées de Moscou, la méfiance reste de mise. Dmitri Medvedev, ancien président russe et vice-président du Conseil de sécurité, a qualifié les promesses de Trump de “banalités” et a exprimé des doutes sur la possibilité pour Trump de mettre fin au conflit. Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a également déclaré qu’il était peu probable que l’Amérique modifie son orientation “russophobe”.
Si le Kremlin ne mise pas sur un partenariat solide avec les États-Unis, il voit tout de même des opportunités dans la présidence de Trump, notamment pour déstabiliser l’image de la démocratie américaine. Les médias d’État russes ont déjà diffusé des contenus visant à exacerber la polarisation politique aux États-Unis, en espérant éroder la confiance des Américains dans leur système politique. Pour Poutine, la fragilité du système démocratique occidental pourrait servir de justification à sa propre gouvernance, axée sur le renforcement d’un État fort face à ce qu’il appelle “l’hégémonie américaine”.
Enfin, Trump a souvent remis en question l’engagement américain au sein de l’OTAN, ce qui, pour la Russie, pourrait être un développement favorable. Une diminution de l’influence de l’OTAN en Europe de l’Est pourrait potentiellement permettre à Moscou d’étendre sa sphère d’influence sans craindre une riposte forte de l’Occident. Cependant, beaucoup doutent de la capacité de Trump à réformer l’alliance de manière aussi drastique, étant donné les résistances internes et le consensus bipartisan sur l’importance de contrer la Russie en Europe.
En fin de compte, la victoire de Trump représente pour Poutine une occasion, mais également une source d’incertitudes. Moscou semble adopter une attitude prudente, préférant juger Trump sur ses actions plutôt que sur ses discours. Cette prudence reflète un Kremlin lucide face aux limites de l’influence personnelle de Trump dans un contexte géopolitique complexe et aux contraintes du système politique américain.