Un sondage du Centre pour la Gouvernance Démocratique (CGD) réalisé en 2011 a révélé que l’argent était la plus grande valeur aux yeux des Burkinabè. Quid de la patrie, de la famille, de l’honneur, de la solidarité, de l’amitié ? Ces valeurs peuvent bien attendre ! Il y a plus urgent qui sonne et trébuche. Cette conception des choses est pourtant, en partie, à la base de la crise multidimensionnelle que notre cher Faso vit. Il faut sortir du bourbier. Mais comment en sortirons-nous collectivement ?
La semaine dernière, deux actualités ont créé la polémique au pays des Hommes intègres : l’étude du CIFOEB sur les salaires illégaux de certains ministres des gouvernements passés, et le rapport du RENLAC sur la corruption aux élections de 2020.
Ces deux sorties médiatiques confirment ce que tous savent déjà : le malaise créé par le Roi argent au Burkina Faso.
L’argent est devenu un déterminant de premier ordre dans les relations humaines burkinabè. De la cellule familiale à l’Etat, l’unité de mesure du poids social est le numéraire. Finis la solidarité ancestrale, l’honneur pour lequel on se battait jusqu’à la mort, finie l’amitié sincère, finie la fraternité légendaire.
Que l’on se comprenne bien ! L’argent est une excellente chose et un indispensable outil. Mais il est un bon serviteur et un mauvais maître, comme nous l’enseigne l’adage.
Dans les puissances à système capitaliste, à commencer par les Etats-Unis, les citoyens aiment et recherchent l’argent. Et ils connaissent des succès rarement égalés. Mais ils ont des valeurs qui dépassent l’argent. Parmi ces valeurs, le patriotisme. Voilà pourquoi il est difficile de convaincre un Américain de trahir son pays, de prendre des armes contre son propre pays. Si les Américains élevaient l’argent au-dessus de la patrie, le régime de Donald TRUMP allait réussir à se maintenir au pouvoir, contre la vérité des urnes. Combien de présidents africains ont perdu des votes, mais se sont maintenus en achetant le silence des juges et des organismes électoraux?
Norbert ZONGO l’avait dénoncé sans relâche, notre rapport à l’argent. Sacrifier tout, de l’honneur à la dignité, de la santé à la paix, de la famille à l’amitié, juste pour s’enrichir : Tel semble être le crédo du Burkinabè nouveau. Et l’on s’étonne que les hommes politiques soient corrompus, et qu’ils utilisent des moyens peu orthodoxes pour parvenir ou rester aux affaires.
Il y a une vérité que l’on se dit rarement : dans le contexte burkinabè actuel, même si un nouveau SANKARA arrivait au pouvoir, il deviendrait, lui aussi, un martyr. C’est la mentalité de toute une génération qu’il faut changer. Et pour le faire, il ne faut pas compter prioritairement sur la population elle-même et sur les hommes politiques. Il faut plutôt compter sur des forces intermédiaires comme la Justice et des organisations de la société civile sérieuses. Quand la Justice s’autosaisira des dénonciations et autres scandales, quand elle sanctionnera et appliquera le droit dans toute sa rigueur, quand les OSC veilleront véritablement au grain et mettront la pression quand l’intérêt général l’exigera, nous aurons amorcé un rééquilibrage salutaire.
C’est seulement lorsque nous travaillerons avec l’argent comme un moyen, et non jamais comme une fin, que nous commencerons à fixer véritablement les jalons du développement et de la prospérité partagée.
La Rédaction