Ces dernières années ont vu l’émergence d’ouils de l’Intelligence Artificielle (IA), notamment ChatGPT, Midjourney, et en musique, les deepfakes musicaux, et autres AI covers. La chanson « Heart on My Sleeve » en est l’exemple le plus retentissant, puisqu’on y entend Drake et The Weeknd, sans qu’aucun des deux ne l’ait enregistré. Leurs voix ont en effet été imitées grâce à l’IA, avec une précision qu’on aurait du mal à différencier des originales. La qualité du morceau, la popularité des deux artistes et la bulle médiatique autour de l’IA l’ont rendu viral très rapidement avant qu’il ne soit retiré des plates-formes de streaming.
D’aucuns y voient un signe avant-coureur des problèmes soulevés lorsqu’une innovation technique se développe de manière erratique, sans que le droit nécessaire pour réglementer son usage ne soit en place. D’autres perçoivent les débuts d’une transformation sans précédent de tous les aspects du fait musical : sa pratique, sa production, sa consommation, son économie, ses univers sociaux et son esthétique.
Une pratique de plus en plus accessible
La pratique de l’IA musicale, issue de la recherche en informatique musicale, est depuis les années 2010 rendue de plus en plus accessible.
En 2019, le compositeur français Benoît Carré a réalisé un projet ambitieux en créant un album entier grâce à une IA nommée SKYGGE. Cette IA a été spécialement entraînée à partir de musique électronique pour générer des parties instrumentales et des mélodies pour l’album intitulé « Hello World ».
Des start-up se sont emparées de la recherche pour développer des outils de composition automatique, et les diffuser sur le marché. Les GAFAM ne tardent pas à suivre, avec Google qui développe sa suite d’outils baptisée Magenta, puis MusicLM, un text-to-audio similaire à MusicGen développé par Meta. Ces applications permettent de générer des fichiers audio de musique sur la base de prompts, à la manière de Midjourney ou DALL-E.
Les outils actuels s’inscrivent dans la continuité du virage numérique et rendent la production musicale plus accessible, mais subsiste encore le problème de la boîte noire : leur fonctionnement reste encore pour le grand public un mystère. Bernard Stiegler pointait du doigt la prolétarisation des savoirs numériques, et la musique par IA n’est en cela pas en reste : la majorité des utilisateurs de ces outils ne savent pas comment ils sont conçus.
L’application SongStarter de BandLab peut quant à elle générer un morceau à partir de paroles et d’émojis.
La composition automatisée et facilitée par l’IA va engendrer un afflux massif de musique très rapidement, et les professionnels de l’industrie de la musique s’en inquiètent. Notamment lorsque des analystes financiers prédisent une dilution des parts de marché. La génération personnalisée de musique en temps réel, proposée par certaines start-up, est déjà à l’œuvre dans l’industrie du jeu vidéo ou encore de la relaxation.
Par ailleurs, la synthèse vocale par IA est déjà utilisée par les auteurs professionnels pour placer leurs productions auprès d’artistes de grande envergure. La pratique déjà courante était d’engager des interprètes imitant la voix de gros artistes pour leur vendre une chanson. Aujourd’hui, les maisons de disque se servent de l’IA pour montrer aux artistes-stars ce que donnerait la chanson avec leur propre voix posée dessus. C’était d’ailleurs ce à quoi était destinée au départ « Heart on My Sleeve ». Enfin, la séparation des sources permettrait aux maisons de disques détenant des albums ayant été enregistrés avant le mixage multi-pistes de vendre les parties individuelles d’un morceau, d’une voix chantée ou des parties uniquement instrumentales, pour le cinéma ou la publicité par exemple.
Les enjeux juridiques liés à l’IA musicale sont des questions de propriété intellectuelle. La question du droit d’auteur relatif à l’IA se joue à deux niveaux.
En outre, les générateurs de musique basés sur l’IA peuvent utiliser des données provenant d’artistes ou d’œuvres musicales sans leur consentement, ce qui peut soulever des problèmes de confidentialité et de respect de la vie privée.
Source : Theconversion.com et Sonovente.com