La rencontre historique entre les cinq anciens chefs d’Etat burkinabè et l’actuel locataire de Kossyam a accouché d’un fiasco. Un coup dur pour le Mouvement Patriotique pour la Sauvegarde et le Restauration (MPSR), qui devrait radicalement changer sa méthode martiale qui consiste à mettre tout le monde devant le fait accompli. Mais c’est aussi l’une des ultimes occasions gâchées pour Blaise Compaoré, l’énigmatique Blaise, qui, certes, a eu les mains souillées, mais a aussi bâti l’édifice Burkina comme rarement quelqu’un d’autre l’a fait. Tant et si bien qu’il doit être peiné de voir cette belle infrastructure s’écrouler. En venant au Burkina, Blaise tentait non seulement de se réhabiliter, mais aussi et surtout, de sauver ce qui peut encore l’être dans ce pays. Mais, on ne l’a pas compris.
Blaise Compaoré a écopé de la peine à vie dans le procès de l’assassinat de son ami et compagnon de la Révolution, Thomas Sankara. C’était un procès en son absence. Il l’a voulu ainsi. Sa part de vérité n’a donc pas été dite. Mais le tribunal a dit sa version des faits.
Maintenant, il ne restait à Blaise Compaoré que la repentance devant la famille Sankara, à Téma Bokin. On le sait, le beau Blaise est rancunier, mais pas orgueilleux. En 2001, il avait accepté de demander pardon à la nation, même si la vérité n’avait pas été dite.
Cette demande de pardon aurait pu se faire devant de respectables témoins, comme nous l’avions suggéré à maintes reprises : un chef coutumier, un chef religieux, et même une icône africaine.
C’est seulement après ce mea culpa, adressé en même temps aux autres victimes de ses années de règne et aux peuples frères africains martyrisés par ses actions, que Blaise Compaoré aura la conscience moins troublée, et qu’il obtiendra le « yaafa » des familles et des peuples.
Tout autre raccourci est suicidaire. On ne soigne pas aux forceps des cœurs blessés, disions-nous.
Mais l’attitude du Président Damiba semblait se justifier par l’urgence que requérait le cas personnel de Blaise Compaoré. Sauf que personne n’a compris un président qui fait tout dans la vitesse et la force : adoption de la charte de la transition, mise en place des institutions de la transition, choix de la date des élections, …
Et même en cas d’urgence sur la situation de Blaise Compaoré, on pouvait aller vite à la réconciliation, mais en empruntant des chemins convenables par respect pour les victimes. Symboliquement, Blaise Compaoré pouvait, à travers ses avocats, déclarer qu’il se mettait à la disposition de la justice. Il pouvait, pour le symbole et au regard de son état apparent de santé, être gardé chez lui à Ziniaré en toute dignité, en attendant une grâce présidentielle qui ne saurait tarder.
Car, il faut l’admettre que c’est le triomphalisme et l’exhibitionnisme qui ont entouré le retour d’un Blaise Compaoré condamné, qui ont davantage choqué l’opinion. A ce choc est venue s’ajouté la pitié pour un vieil homme qu’on ne devait plus trimballer dans les tribunes.
Cela ne fait pas honneur aux Burkinabè, quels que soeint leurs bords politiques, que Blaise Compaoré finisse ses jours en exil. Le verdict du procès Sankara montre que l’homme a commis des crimes difficilement pardonnables, et qu’il a assassiné celui qui était, pour beaucoup, l’espoir du Burkina et de l’Afrique.
Mais Compaoré a consacré plus de la moitié de sa vie au service du Burkina. Et, il faut bien l’accepter, les crimes avérés ou présumés qu’il auraient commis, visaient parfois à protéger et défendre les intérêts du Burkina Faso dans une jungle géopolitique. L’Etat a ses raisons que la raison ignore, a-t-on coutume de dire.
Et ce n’est pas tout. Blaise Compaoré est aussi victime de l’ingratitude d’une frange du peuple et de l’élite burkinabè, qui ont su l’utiliser pour se réaliser à titre personnel, et qui ont par la suite rejeté toutes les fautes et tous les échecs sur sa pauvre et unique personne. Sont de ceux là, le trio Roch, Salif, Simon et leurs ramifications dans l’Armée, les affaires, la chefferie et les autres sphères de décision.
Blaise est certes coupable, mais il n’est pas le seul coupable, encore moins le coupable de tout. Il ne l’est pas, parce qu’avant que Sankara fût physiquement tué, il a d’abord été idéologiquement assassiné par des groupuscules. Après sa mort, ces mêmes groupuscules ont assuré le service après-vente, par une entreprise malsaine de souillure de sa mémoire.
La vraie justice aurait été que ceux-là qui ont tout fait et profité de tout aux côtés de Blaise Compaoré, l’accompagnent dans les geôles de la réclusion.
La justice complète aurait été, par ailleurs, que toutes les familles des personnes exécutées froidement ou victimes d’injustices diverses sous Thomas Sankara, sachent la vérité et obtiennent justice. Le radicalisme étant de penser que tout fut bénédictions et bonté sous Thom Sank, alors que l’intéressé lui-même reconnaissait ouvertement s’être parfois trompé humainement.
Enfin, la plus grande escroquerie politique a été de faire croire au peuple au milieu de la décennie 2010-2020 que le diable, c’était Blaise Compaoré, et que l’enfer, c’était le Congrès pour la Démocratie et le Progrès (CDP). Un CDP voué aux gémonies, rejeté, exclu et traîné dans la boue par d’habiles manipulateurs, pendant que son clone parfait, le Mouvement du Peuple pour le Progrès (MPP), se partageait les ors de la république.
Comme Blaise Compaoré l’a lui-même dit, il n’est ni ange, ni démon. Mais au soir de sa vie, il doit reconnaître tout le tort qu’il a causé à tant de gens et de peuples, et se repentir sincèrement pour que ses bonnes actions, qui s’étendent aussi à perte de vue, puissent obtenir le sacrement de la reconnaissance parmi les motels. Dans l’au-delà, c’est aussi un acte qui compte, pour tout croyant.
La Rédaction