Au pays des hommes intègres, il s’entretient une dangereuse culture politique des microphones et des sandales. Plus vous envahissez les médias à travers conférences de presse et déclarations tonitruantes, et plus vous organisez des marches pour dénoncer ou soutenir, mieux vous avez un avenir. Un avenir tellement radieux qu’il éclipsera celui du Volontaire pour la Défense de la Patrie (VDP) du Nord ou du Sahel, qui tient débout face à des nuées de terroristes qui l’envahissent. Dans le Burkina version 2022, l’on est prêt à mourir pour sa parcelle, mais l’on regarde indifféremment sa commune tomber entre les mains des ennemis. Ce système-là est dangereux, à la fois pour le Burkina et pour la transition politique. Il faut changer vite de paradigme.
Des organisations de la société civile se créent à tout vent. Généralement, un soi-disant leader s’entoure de deux autres personnes, des faire-valoir. Il convoque une presse qui s’ennuie peut-être, et vocifère, condamne, menace, ou déclare son soutien sans faille. Le tour est joué. Il suffira d’un bouleversement politique, et il pourra siéger au parlement de transition ou avoir un poste nominatif. C’est tellement rentable, cet orpaillage politique. En 2014-2015, ça a marché, et en 2022, ça a encore marché.
C’est somme toute normal, diront certains. Sauf que cette plaisanterie de mauvais goût a cours au moment où la patrie se meurt. Pendant qu’on se partage la carcasse de la république, des FDS et des VDP meurent chaque jour pour défendre ce qui compte vraiment : le Burkina. Mais que faisons-nous pour encourager les VDP à poursuivre la lutte ? Que faisons-nous pour encourager de nouveaux citoyens à se faire enrôler comme VDP ? Les terroristes, eux, ont mille manières d’appâter des jeunes. Et nous, notre Etat, envoie un message de désespoir et d’abandon aux VDP, et un message de ripaille et de réjouissance aux OSC.
C’est sous le régime de Roch Kaboré, initiateur des VDP, que ce fossé a été savamment creusé. On a encouragé la jeunesse aux débats creux et au militantisme monnayable, pendant que le Burkina se consume. Le Mouvement Patriotique pour la Sauvegarde et la Restauration (MPSR), au regard de la noblesse des causes qu’il défend, devrait agir autrement. C’est déjà bien de faire siéger une jeune dame de Dablo au parlement de transition. Dans son discours inaugural, le Président Damiba avait d’ailleurs fait mention du cultivateur qui n’a rien récolté, et de l’éleveur qui a perdu son bétail dans la guerre que nous vivons. Mais il aurait aussi fallu penser aux VDP, en lieu et place de certaines OSC opportunistes qui n’apporteront rien, ni au débat parlementaire, ni au symbole dans la lutte contre le terrorisme.
Si nous continuons ainsi, demain, d’autres citoyens envahiront la rue et les médias. Ils protesteront avec le voeu que la transition échoue, et qu’une nouvelle transition se mette en place pour qu’ils puissent se partager ce pauvre Burkina en lambeaux, pour reprendre l’expression de Naïm Touré. Que l’on ne se trompe pas : ce risque est bien réel, et les prémices sont là qui l’attestent.
Déjà, on voit des gens organiser des manifestations, avec une marée de drapeaux russes, pour réclamer Poutine en sauveur. Ils attendent, bien sûr, des dividendes, s’ils n’en cueillent pas déjà. Mais pour ces individus, il n’est pas question de rejoindre le front en tant que VDP. Ce sont plutôt les jeunes russes qui doivent venir mourir pour leur pays, pendant qu’eux, ils continuent la propagande, les manifs et les déclarations pompeuses.
Il n’est pas encore tard pour les nouvelles autorités de rectifier le tir. Comme nous le disions dans les éditoriaux précédents, il est important de réviser le concept de VDP, pour l’élargir à tous les citoyens, des villes, des campagnes et de la diaspora, qui voudront combattre pour leur pays, selon leurs domaines de compétence. Oui ! Le Burkina dispose de cerveaux dans la diaspora, qui peuvent par exemple surveiller le territoire national de façon bénévole, et transmettre les données à nos forces armées pour usage.
Il est aussi important d’associer un certain nombre de privilèges au statut de VDP. En plus d’augmenter leurs revenus, il faudra leur donner des points supplémentaires, en cas de compétitions pour les marchés publics, les concours, … Il faudra aussi leur octroyer des bons de réduction pour les achats dans les boutiques SONAGES, pour les impôts, les frais de communication, les frais de scolarité de leurs enfants, en plus de la gratuité des soins pour eux-mêmes.
Tout doit être mis en œuvre pour encourager les jeunes citoyens à s’enrôler massivement pour se battre pour leur pays. C’est un changement de paradigme qui s’impose. Il ne sert à rien de se quereller à Ouagadougou pour des postes, pendant que des pans entiers du pays s’écroulent. C’est parce que le Burkina existe qu’il y a Ouaga, un Etat et des postes à se partager. Si nous refusons de le comprendre dès maintenant, nous risquons de perdre tout, y compris ce qui compte le plus. Que Dieu nous en garde !
La Rédaction