Le Burkina Faso est à la croisée des chemins. C’est le moins que l’on puisse dire. Le pouvoir a changé à Ouagadougou, mais les terroristes continuent d’écumer les provinces. Avec l’attentat à la bombe contre un car et l’embuscade contre des gendarmes ayant coûté 15 vies dimanche sur l’axe Dori-Ouaga, l’avancée des terroristes ne fait plus l’objet de doute. Mais pourquoi le miracle ne se produit-il pas? Pourquoi les efforts des dirigeants semblent-ils vains ? C’est parce que nous sommes dans la chaumière aux singes, où certains arrachent la toiture pendant que d’autres la tissent. Espoir, où es-tu donc ?
Que l’on se dise la vérité ! Le MPP a contribué à renverser Blaise Compaoré en 2014 en s’attaquant au régime du CDP de l’intérieur. Il a réussi la manœuvre avec un tel art qu’au crépuscule de son pouvoir, Blaise Compaoré ne savait plus distinguer ses amis de ses ennemis. Tout respirait le complot. Mais sitôt installés, Roch Kaboré et ses amis ont reproduit les mêmes pratiques décriées sous le CDP, et ont même fait pire. « Pourquoi avoir chassé Blaise ?», s’interrogeait-on dans les ruelles de Ouaga.
La vengeance est un plat qui se mange froid, dit-on. Des cerveaux de l’ancien régime l’ont bien compris. Et dans tous les compartiments de l’Etat, ils ont rendu au MPP sa monnaie. Le pays était devenu ingouvernable.
Le 24 janvier dernier, les militaires ont pris leurs responsabilités. Ils avaient la rage de vaincre l’ennemi, l’audace de faire autrement, la soif de faire retourner les déplacés dans leurs localités. Seulement, voilà ! Dans l’ombre, il y a des vestiges du pouvoir déchu qui jurent leur perte. Bienvenue dans le cercle infernal ! A peine un mois après le putsch, on entend déjà : « Pourquoi ont-ils renversé Roch ? »
« L’union sacrée », « le dialogue », « la paix », « le patriotisme » : voici des valeurs prônées par Blaise, Roch, puis Sandaogo, sans être entendus. La vraie question c’est : l’union sacrée avec qui, pour quelle paix et en vertu de quel patriotisme ? Puisque le Burkina est tellement divisé. L’armée est divisée. La société l’est autant. Même nos mamans au marché sont divisées, pour reprendre les mots d’une chanson de Tiken Jah Fakoly. Tant qu’un groupe de Burkinabè priera pour que le pays sombre afin qu’il soit réhabilité, et tant que des dirigeants travailleront à écarter tout le monde de la gestion du pays, à l’exception de leurs intimes, les efforts de construction seront improductifs.
Mais, s’il y a une attitude du régime de la transition qu’il convient de saluer, c’est le fait de n’avoir pas décrété une chasse systématique aux sorcières, et de mettre en place des instruments méthodiques (audits, réformes) pour traquer ceux qui se seront rendus coupables de malversation. Dans cette même veine, et dans un souci d’apaisement, il faut que les dirigeants libèrent l’ancien président Roch Marc Christian Kaboré. Si la justice lui reproche des choses, il pourra y répondre. Mais Roch en détention est comme une arrête dans leur gorge.
Les gestes d’apaisement et de réconciliation, il faut les multiplier dans tous les strates de la nation. Il ne suffit pas de prononcer le mot « unité » pour rassembler tous les citoyens. Il faut agir. C’est dans ce sens que nous avions critiqué le fait de mettre à l’écart de la gouvernance les acteurs politiques, et de les rendre exclusivement coupables de la situation dans laquelle le Burkina se trouve. Nous avions souligné, dans cette même rubrique de l’éditorial, qu’un gouvernement d’union nationale serait un bouclier et une force pour la transition. Au lieu de cela, c’est un gouvernement de technocrates qui a été formé. Le problème est que le technocrate ne répond pas du peuple, et qu’à la moindre secousse, tous appelleront Damiba au secours. C’est ainsi qu’il risque de ne pas supporter, à lui seul, toute les pressions, les haines, les attentes, les impatiences et les urgences.
Personne d’entre nous, pris individuellement, n’a la solution à la crise, comme l’a dit l’Eglise catholique. Gloire donc à celui qui aura trouvé les mots et les actes pour rassembler la majeure partie du pays autour de la lutte contre le terrorisme, et qui aura extrait la haine, la vengeance et l’exclusion des âmes burkinabè. Car, il faut le dire : l’arme ne suffit plus à résoudre la crise burkinabè. En 2016 déjà, Michel Kafando recommandait d’exorciser ce pays. Et certains lui demandaient de rester à côté, car on aurait besoin de lui pour une autre transition. Le vieux ne semblait plus intéressé par une nouvelle aventure. Mais il a fait son devoir en indiquant le chemin.
La Rédaction