Le spectacle était triste le weekend passé : un concert de l’artiste-musicien tanzanien Diamond PLATNUMZ, qui fut simplement un rendez-vous manqué, à Ouaga comme à Bobo. Les débats ont vite enflammé les milieux du Showbiz et les réseaux sociaux. La communication aurait failli, les organisateurs auraient manqué de professionnalisme, le coût du ticket serait exhorbitant, et il y avait jusqu’à quatre spectacles le samedi à Ouaga. Elles sont rigoureuses, toutes ces autopsies de l’échec du spectacle Diamond. D’aucuns ont dit que c’était une honte pour le Burkina. Et si la honte était permanente et se trouvait ailleurs?
L’affaire Diamond, comme les polémiques précédentes sur des concerts internationaux, pose une question de fond : A quand la conquête du monde par la musique burkinabè? Car, il est bon de s’ouvrir au monde, de suivre son rythme et ses tendances, mais il est encore mieux, en retour, d’offrir au monde ses valeurs et ses richesses culturelles.
Conquérir musicalement le monde demande un travail de fond, de la part de tous les acteurs de la chaîne : les gouvernants, les musiciens, le public, les techniciens, les managers et les journalistes.
On ne decrète, certes, pas une star planétaire comme Fally Ipupa ou Alpha Blondy. Mais la promotion de l’industrie musicale, la création de meilleures conditions d’apprentisasge et d’expression de la musique et, surtout, la diplomatie culturelle agissante, incombent aux pouvoirs publics. Il fut un temps, par exemple, où le cinéma burkinabè était en plein essor. Ce, grâce en partie à une grande volonté politique des autorités.
Mais qu’il soit clair : la promotion de la musique ne saurait se limiter à de perpétuelles subventions et autres aides ponctuelles. L’aide aux musiciens doit permettre à ceux-ci de se passer de l’aide, pour parapher SANKARA.
C’est dans ce sens que certains musciens doivent se départir de la mentalité d’assistanat, et travailler à produire des oeuvres de haute qualité, à bâtir de solides carrières musicales. « Il faut vendre ce que les gens veulent acheter », disait Kayawoto à propos de son style osé.
Oser, c’est le propre de l’art. Nos artistes doivent innover, tutoyer l’inédit et l’extraordinaire, rêver de tenir tête aux grands noms de la musique du monde. Ils doivent rejeter le minimalisme et le misérabilisme. Et cela passe par une savante utilisation de nos ressources culturelles, par leur adaptation à la requête de l’international. Car, il est certain qu’aucun artiste burkinabè ne battra, ni un Ivoirien dans le couper-décaler, ni un Congolais dans la Rumba.
Mais il existe bel et bien des moyens de conquérir des coeurs étrangers avec les rythmes de chez nous.
Notre musique ne saurait prendre son envol sans un véritable soutien du public burkinabè. Le « consommons burkinabè » doit plus que jamais être notre credo. Et pour ce faire, il appartient en partie aux hommes de médias de susciter en nos citoyens la passion et la fierté des oeuvres nationales. Les journalistes doivent contribuer à construire le mythe des artistes, et à donner vie à leurs oeuvres. Il leur appartient de déconstruire le complexe d’infériorité de certains mélomanes qui ne célèbrent que ce qui est importé. Mais avons-nous suffisamment de médias culturels sérieux et influents? Y a-t-il véritablement une synergie d’actions entre artistes-musiciens et journalistes?
La musique burkinabè peut conquérir le monde. Des musiciens burkinabè pourront remplir des stades à Abidjan, à Dar es Salam ou à Londres. Pourvu que tous les acteurs se remettent en cause, qu’ils travaillent durement et en harmonie, et qu’ils se disent surtout : « Oui, nous pouvons! »
La Rédaction