Ce serait un euphémisme de dire que les groupes terroristes sont en pleine expansion en Afrique de l’Ouest. Telle une gangrène ! Si des pays comme le Mali, le Burkina Faso et le Niger intègrent déjà la furie de ces assaillants dans leurs quotidiens, d’autres comme la Côte d’Ivoire, le Togo, le Bénin et le Ghana hésitent subtilement l’affrontement, et font tout pour ne pas « provoquer » le courroux de ces ennemis sans visage. Mais nos voisins côtiers ont-ils fait le bon choix? Pas sûr!
Une bonne partie de l’Afrique de l’Ouest est en passe d’être sanctuarisée par les internationales terroristes. En avril 2020, l’ONG Coalition citoyenne pour le Sahel a relevé que le nombre de civils tués au Burkina Faso, au Mali et au Niger, avait été multiplié par 7 en 3 ans, pour s’établir à 2440 à l’époque. En 2021, les motifs d’espoir sont minces face à cette situation.
Dans la sous-région, le principal instrument de lutte contre le fléau terroriste reste le G5 Sahel. Cependant, cette institution ne regroupe que les pays du Sahel, ceux directement concernés par les attaques. Ce qui donne l’impression que le terrorisme est une affaire de ces États.
Dans cette guerre contre le terrorisme, les pays côtiers adoptent une attitude trop prudente. Sûrement, pour ne pas s’attirer l’oeil du cyclone.
Cette posture est pourtant une erreur d’appréciation de leur part, car les groupes terroristes n’ont pas d’amis. Le Burkina en est la preuve. Lorsque les groupes armés montaient en puissance sur le territoire malien, notre pays a joué à ce jeu d’attentisme, en observant les choses à distance, et en ménageant les parties en conflits. Oubliant que l’hydre terroriste n’aurait plus de peine à s’attaquer à lui.
Depuis l’attaque du 10 juin 2020 contre l’armée ivoirienne à Kafolo, dans laquelle 14 soldats avaient été tués, les incursions terroristes se sont fait sentir dans ce pays de la sous-région. Une double attaque a eu lieu dans la même localité, le 29 mars de cette année. La dernière attaque en date s’est déroulée le 13 juin dernier près de Tougbo, une localité du Nord-Est. Un engin explosif improvisé avait détruit un véhicule militaire, tuant trois soldats à bord. «Il était télécommandé. Ce qui veut dire que les terroristes étaient là», détaillait une source sécuritaire.
Dans ce registre, le 1er février dernier, Bernard Emié, patron du Renseignement extérieur français, avait dévoilé dans une de ses rares déclarations publiques, l’intention du groupe Al-Qaïda au Sahel de vouloir progresser plus au sud, vers les pays côtiers (le golfe de Guinée).
Dans un entretien accordé à Sputnik, le porte-parole de l’armée togolaise a confirmé cette thèse. «Nos autorités ont été alertées sur la volonté des groupes armés terroristes qui œuvrent au Mali, au Nigeria, au Burkina et autres, d’étendre leurs activités terroristes vers les pays du golfe de Guinée», avait déclaré le Commandant Soussou Sama le 20 avril 2021.
Tous ces éléments sont là pour démontrer que la sous-région ouest-africaine est confrontée à un destin commun sécuritaire. Il serait illusoire pour un pays de jouer à l’attentisme pour tenter de garder son précarré.
Si la digue du Burkina Faso cède (que Dieu nous en garde), les pays côtiers de l’Afrique de l’Ouest céderont à leur tour.
Il faudrait d’ailleurs se poser un certain nombre de questions sur la destination finale et les objectifs de ces terroristes. Au delà des pays du Sahel, ces groupes armés pourraient viser les pays côtiers qui permettent une meilleure ouverture sur le monde, et donnent accès au transit, à des richesses, etc.
Tant qu’il n’y aura pas une organisation sérieuse qui compte sur les forces endogènes des pays membres de la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), tant que chaque pays va tenter de se défendre jusqu’à ce que son territoire soit touché, tant que les pays côtiers regarderont les choses de loin et procéderont par petites diplomaties individuelles pour obtenir un semblant d’accalmie, la guerre contre le terrorisme sera vaine.
Le G5 Sahel a besoin de s’élargir et de créer une synergie d’action. Cette organisation s’apparente plus à une ONG qui consacre l’essentiel de son budget (fait d’ailleurs de dons extérieurs) à des études, ateliers et salaires, plutôt qu’à une force opérationnelle qui peut faire bouger les lignes. Il faut une réelle unité et une autonomie d’action.
Les terroristes ont déjà compris cette donne. Ils sont dans une dynamique d’unité. En effet, en mars 2017, les principaux groupes djihadistes du Sahel, à savoir, Ansar Dine, le Front de libération du Macina, Al-Mourabitoun et la branche saharienne d’Al-Qaida au Maghreb islamique, ont annoncé qu’ils avaient formé une alliance sous la bannière d’une nouvelle entité appelée « Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (Jamaat Nosrat al-Islam wal-Mouslimin, JNIM) ».
Cette situation devrait sonner le réveil de nos États, et leur faire comprendre que le combat individuel n’aura pas d’effet sur des adversaires qui sont dans cette logique.
La complexité de la bataille en solo réside dans le fait que les terroristes harcelés se replient sur d’autres territoires, et reviennent de plus belle. C’est ainsi qu’après l’opération Otapuanu dans l’Est burkinabè, les individus armés non identifiés ont signé leur retour sanglant.
Ces faits doivent interpeller les pays de la sous-région sur la nécessité d’établir une organisation forte, avec un plan de riposte et de sécurisation, qui permet d’anticiper les projets de l’ennemi et de suivre sa trajectoire.
La CEDEAO annonce depuis belle lurette, la mise en œuvre diligente d’un Plan d’actions régional de lutte contre le terrorisme. Mais cet instrument demeure un vœu pieux.
Tant que nous n’arriverons pas à une unité d’action, nous risquons de vivre le pire un bon matin. Et lorsqu’un Etat tombe, son voisin n’est plus en sécurité. Le Burkina est loin de tomber. Mais vu sa position au cœur de l’Afrique de l’Ouest, son sort doit préoccuper davantage ses voisins et la communauté sous-régionale.
La Rédaction