[EDITO] Nouvelle transition : sept remèdes pour briser la malédiction de Kossyam

Kossyam (auparavant, Koulouba), ce haut lieu du pouvoir burkinabè, serait comparable au Triangle de Bermudes, où l’on retrouve les épaves des régimes successifs qui y ont chaviré ou crashé. Les adeptes du spiritisme parleraient d’une sorte de malédiction de Toutânkhamon, qui frappe de plein cœur les chefs d’Etat, les empêchant de finir avec honneur leurs mandats à la tête du Faso. Michel Kafando, le seul rescapé, parla de la nécessité « d’exorciser ce pays », juste avant de passer le flambeau à Roch Kaboré. Mais, les rationalistes parlent plutôt de paramètres socio-politiques qui programment l’échec des dirigeants burkinabè. Dans tous les cas, Kossyam est « hanté ». Mais comment briser la malédiction ? Nous proposons sept remèdes au régime du Capitaine Ibrahim Traoré ! Loin d’un exercice superstitieux, il s’agit plutôt d’une démarche pratique tirant leçon de notre histoire politique récente. 

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Le tout premier remède pour le régime de la nouvelle transition, c’est de prendre conscience du fait qu’il est arrivé dans un contexte particulièrement difficile. Les gens voudront bien voir en ce jeune capitaine de 34 ans, élégant et éloquent, qui sera sacré symboliquement (sauf cataclysme) le 15 octobre, le nouveau Thomas Sankara. Or, Sankara avait moins de défis à relever que Traoré, et Traoré est bien moins préparé que Sankara. Le dernier cité, non seulement, fut politiquement et idéologiquement formé, mais occupa des postes préparatoires comme celui de ministre et de Premier ministre. Ce qui l’a amené à connaître les rouages de l’Etat. Prendre conscience que l’on ne peut pas faire comme Thomas Sankara, mais seulement s’inspirer de ses idées et les actualiser, c’est un réalisme qui éloignera le nouveau régime du populisme suicidaire.

Le deuxième remède, c’est celui de l’alliance politique stratégique. Le régime de Damiba doit en grande partie son échec à son alliance politique avec le régime de Blaise Compaoré et ses satellites. Renouer des alliances avec ce même groupe, c’est se faire harakiri. Tout comme il est dangereux de se nouer d’alliance avec le régime déchu de Roch Kaboré, qui n’a plus rien à démontrer en termes de gouvernance et de lutte contre le terrorisme. Il faut plutôt surpasser ce vieux paradigme CDP-MPP, et travailler avec les compétences nationales, d’où qu’elles viennent.

En troisième lieu, le jeune capitaine aura besoin d’un premier ministre fort, compétent et réseauté. Un homme d’Etat qui pourra s’occuper de politique, d’économie et de diplomatie, pendant qu’Ibrahim Traoré s’occupera de la guerre. C’est ainsi que l’alliance Assimi Goïta – Choguel Maïga produit des résultats. Mais le tandem entre Sandaogo Damiba et Albert Ouédraogo n’a jamais fonctionné, parce que le Premier ministre n’apportait aucune plus-value au chef de l’Etat : il était un néophyte de la chose politique, dépourvu de carnet d’adresses diplomatiques, et sans poigne particulière.

Le quatrième remède consiste à dire la vérité et toute la vérité au peuple. L’on a tout l’air qu’il y a un secret gardé par quelques initiés sur les causes réelles du terrorisme au Burkina, ceux qui financent les groupes armés, leurs finalités et leurs alliés et complices, y compris dans l’Armée. En effet, en sept années de guerre, aucun officier de l’Armée, aucun homme politique haut placé, aucun opérateur économique d’envergure, aucun grand leader religieux ou coutumier, aucun homme influent tout court, n’a été arrêté et jugé pour complicité avec les terroristes. Or, tous savent qu’il y a des connexions et des complicités. L’Armée a récemment parlé de « complicités malheureuses » lors de l’attaque de Gaskindé. Tout se passe comme si, lorsqu’un nouveau président arrive, les puissants lobbies pro-terroristes le menacent, le piègent et le corrompent. Le capitaine IB doit oser dire la vérité au peuple, afin qu’il sache qui sont ses amis et ses ennemis. La Conférence épiscopale Burkina-Niger avait conseillé vainement à Roch Kaboré cette démarche de vérité à l’endroit du peuple.

Le cinquième remède a trait à une lutte implacable contre la corruption. Il faut des signaux forts dès le départ. Pas des annonces sans suite comme ce que Damiba a servi aux Burkinabè. Par exemple, les audits effectués par l’Autorité Supérieure de Contrôle de l’Etat et de Lutte contre la Corruption (ASCE/LC) sur la gestion des Fonds de l’Armée de 2017 à 2021, ont révélé de graves scandales au niveau de la commande de matériels. Le capitaine IB fera œuvre de salubrité publique en publiant ce rapport, et en instruisant le jugement sans délai de tous ceux qui sont devenus milliardaires sur le dos des soldats et du peuple. Lui-même avait annoncé les couleurs dans ses toutes premières sorties médiatiques. En plus de cela, il est judicieux de publier les autres rapports d’audits, et d’instaurer une véritable discipline à l’égard du bien public.

Par ailleurs, la réduction du train de vie de l’Etat est indispensable, de même que la suppression des institutions inutiles. L’instauration de l’effort de guerre est, elle, inévitable, pour mobiliser toutes les ressources nécessaires à la conduite de la guerre.

Sixièmement, le Capitaine Ibrahim Traoré et son équipe devront écouter la rue, sans marcher au pas de la rue. Un Etat ne peut se conduire au gré des humeurs d’une opinion publique instable, incohérente et capricieuse. Autant il est nécessaire de nouer clairement et souverainement des partenariats avec la Russie et d’autres puissances, autant il est possible de réviser de fond en comble les accords avec la France. Sans tout casser et rebâtir à zéro. Dans ce même registre, le jeune capitaine devra éviter de s’enfermer dans des délais, de par son discours. Damiba s’est enfermé dans un délai de cinq mois. Traoré parle de plus en plus d’un an. Or, dans la réalité, il faut bien plus que cinq ans pour réduire le terrorisme à sa portion congrue.

Septièmement, il faut donner du contenu aux notions de « réconciliation nationale » et d’ »unité nationale ». Le signe visible d’un régime essoufflé au Burkina Faso, c’est son appel inaudible et incessant à l’unité nationale. Pour une fois, que les dirigeants mettent en place un gouvernement d’union nationale, fassent accélérer les jugements, et déroulent normalement la stratégie nationale de réconciliation qui était fin prête sous Roch Kaboré. Cela nous permettra de nous concentrer sur la réconciliation entre les communautés, et de traiter avec diligence des questions secondaires comme le retour des exilés et la libération de certains prisonniers. L’idée de gouvernement d’union nationale est bénéfique en ce qu’elle protège avant tout la nouvelle transition d’un autre coup d’Etat. C’est une sorte de bouclier, qui donne un sens à l’unité nationale tant prônée. Contrairement à ceux qui pensent que le capitaine a lutté pour avoir sa chose et qu’il doit gérer seul le pouvoir avec qui il veut, notre opinion est la suivante : L’avenir d’un pays, surtout en guerre et menacé de disparition, ne devrait être la chose de personne, mais de tous. D’où l’importance des assises annoncées.

La Rédaction

(www.actualite.bf)