[Edito] Crise burkinabè : les lueurs d’espoirs qu’il nous reste


Limitée au début à une province, puis à quelques-unes, la crise sécuritaire au Burkina Faso s’est aujourd’hui généralisée. Morts, blessés, déplacés, infrastructures détruites, rythment le quotidien des Burkinabè. Dire qu’un Burkinabè souffre, c’est parler d’une évidence. Exactement comme Norbert Zongo le prédisait il y a plus de deux décennies. Mais en ces heures sombres subsistent des lueurs d’espoirs qu’il faut savoir capter.


Tout a pris une autre allure avec Inata. Inata, l’horreur. Inata l’inadmissible. Qui aurait cru que certains de nos vaillants soldats au front manqueraient de nourriture, jusqu’à ce que l’ennemi (sûrement informé) vienne les tuer ? Le Président du Faso, Roch Kaboré, a demandé un rapport sur ce drame. Ledit rapport lui a été remis, mais il n’en est pas satisfait. Le chef suprême des armées veut des noms et des visages sur chaque manquement ayant conduit à la boucherie de Inata. Et il a donné dix jours à l’équipe chargée de l’enquête pour retourner au charbon et apporter des réponses claires.

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Inata a aussi déclenché une nouvelle vague de colère populaire. Des citoyens, las de dénoncer, de condamner et de soutenir, demandent à présent des comptes et la démission du Président du Faso. La colère est légitime et profonde, et le premier d’entre les Burkinabè l’a reconnu, annonçant dans la foulée, un changement de paradigme.
Le réveil citoyen est à saluer. Mais les violences et le désordre qui l’ont caractérisé, sont à rejeter. De même, il faut le dire clairement, la démission du Chef de l’Etat ou son renversement dans ces circonstances est une mauvaise solution. Et l’Eglise catholique, dans une analyse froide et dépassionnée, l’a relevé.


Parlant de démission du Président du Faso, la lourde question qui se pose n’est pas « qui va le remplacer ? » mais « comment va-t-on le remplacer ? » Car, le Burkina possède une constitution pour laquelle des dizaines de citoyens sont morts lors de l’insurrection populaire et du putsch manqué. Cette constitution prévoit des situations comme celle-là, avec des niveaux de solutions qui n’ont pas encore été testées : l’Etat de siège, la dissolution du Gouvernement et la constitution d’un gouvernement d’union nationale, …


Si actuellement, les Burkinabè décident dans la rue de mettre hors-jeu cette constitution, comment s’organiserait la succession au pouvoir ? Par les armes ?  Et si celui qui arriverait par les armes n’arrive pas à gérer la situation, faut-il le renverser, lui aussi, dans le sang ? Dans quel délai ? Pour organiser un jour les élections ? Si oui, sur quel territoire ? Et tous ces régimes qu’on aura renversés, que ne feront pas leurs bras financiers et armés contre les nouvelles autorités ? Durant tout ce capharnaüm où il risquerait d’y avoir plusieurs présidents autoproclamés, l’ennemi dormirait-il?
Et si par hasard, un dictateur arrivait à se fixer au pouvoir, nos enfants se retrouveraient un jour dans la rue pour demander sa démission. Un pays se construit-il dans ce cycle ? Albert Camus avertissait : « Faites attention, quand une démocratie est malade, le fascisme vient à son chevet mais ce n’est pas pour prendre de ses nouvelles. »

Il faut situer les responsabilités : des occasions ont été données aux Burkinabè de juger le bilan du Président Roch Kaboré, et ceux-ci, dans leur grande majorité, lui ont renouvelé leur confiance. La véritable lutte consistait, pour ceux qui réclament sa démission, à se mobiliser pour qu’il y eût une alternance démocratique et pacifique.

Ceci dit, au risque de nous répéter, la colère des citoyens est une vague déferlante. Une vague si forte qu’elle emporte le concept de majorité-opposition. Aujourd’hui, le Président du Faso doit se délier de ses soutiens partisans, pour s’affirmer en père d’une nation en danger. Ne compte plus qui l’a aidé à se faire élire ou réélire, mais qui peut l’aider à sortir le Burkina de la situation difficile actuelle. Car, c’est avant tout lui, le Chef de l’Etat, qui répondra devant l’histoire et dans le jugement de ses concitoyens. Des courtisans, prompts à se renier par opportunisme, n’hésiteront pas à dire : « c’est le Président le problème. Il n’écoute personne. » Il appartient donc au Président Roch Kaboré de constituer, le plus rapidement possible, un gouvernement d’union nationale, dont la mission est avant tout de reconquérir le territoire national. Un gouvernement de patriotes et de compétents, dont la probité morale n’est pas à démontrer. Un gouvernement dont les membres auront les mains tellement propres, qu’ils pourront exiger des autres, la rigueur et la droiture.

A cette opération d’urgence, il faut ajouter l’opérationnalisation du processus de réconciliation nationale. Dans un pays en lambeaux, où il y a la mort, la haine et la désolation, il se trouve des intellectuels qui, entre deux gorgées de bière, affirment que les Burkinabè n’ont pas de problèmes entre eux, que le Burkina n’a pas de problème de réconciliation.


La vérité est pourtant là, implacable : notre vivre-ensemble est mal-en-point. Des citoyens se sentent exclus et rejetés de la nation. D’autres se sentent oubliés. Tandis qu’une autre catégorie de citoyens, comme ceux qui estiment que tout va bien, veulent tout prendre et refusent le droit de gémir à ceux qui meurent de faim. C’est dans cette fracture béante que s’engouffre le terrorisme.


Il faut s’attaquer aux causes du mal, en épuisant la source d’injustice qui alimente le terrorisme. C’est en cela que le diagnostic ayant consisté à recenser les problèmes de réconciliation et de vivre-ensemble dans toutes les communes, provinces et régions, avec des propositions endogènes de solutions, est un bon début. Ce diagnostic, après validation au Forum national de réconciliation, servira comme boussole au Burkina durant des décennies pour refaire la paix et réinventer l’avenir.


Il subsiste des lueurs d’espoir. Mais il nous faut les saisir à temps.
 
La Rédaction