Nouveau Premier ministre : les sept pièges placés sur son chemin

L’attente est longue. Mais la fumée blanche ne devrait pas tarder à émerger du toit de Kossyam. Le Burkina Faso aura un nouveau premier ministre, dans un contexte où les attentes des citoyens sont particulièrement grandes et pressantes.

Il est vrai que dans le régime présidentiel qui caractérise l’Etat burkinabè, le Premier ministre exécute plutôt le programme du Président élu. Il est un fusible, en quelque sorte. Mais un fusible qui doit tenir.

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Dès son installation, le nouveau Premier ministre aura des choix cornéliens à faire. Entre le marteau des intérêts claniques ou particuliers et l’enclume de la pression populaire, il devra imprimer sa marque et trancher quand il le faut. Sept pièges sont à éviter par le premier d’entre les ministres.

Le tout premier piège, c’est celui d’un raccourci vers la réconciliation nationale. Le Président Roch KABORE l’a lui-même dit lors de la campagne électorale: il faut éviter la précipitation et les erreurs du passé. Une partie des Burkinabè mettra certainement la pression pour que des cadavres disparaissent des placards, et pour que des coffres forts volatilisés demeurent introuvables. Le nouveau Gouvernement devra veiller à respecter toutes les étapes dans la  quête de réconciliation. Sauter des étapes, surtout celles de la vérité et de la justice, c’est retourner à la case départ.

Le deuxième piège tendu au nouveau Premier ministre, c’est celui des déplacés internes. Nos troupes ont le dessus sur l’ennemi. Les attaques ont diminué. Mais il ne faut pas dormir sur ses lauriers. Plus d’un million de nos concitoyens sont déplacés, des milliers d’infrastructures (écoles, dispensaires, commissariats,…) sont fermées. Il faudra travailler rapidement au retour de ces déplacés et à la réouverture des services fermés.

Le troisième piège est celui du laisser-aller en matière de gestion. De nombreuses personnes physiques et morales ont dépensé argent et énergie pour la réélection de Roch KABORE et de leurs députés. C’est, pour certains, un investissement. Mais ce serait une erreur pour le PM et son Gouvernement de  les laisser puiser dans les ressources publiques. Car, la corruption nourrit toujours la révolte des pauvres contre les puissants.

Le quatrième piège a trait à la remise à plat des salaires et aux revendications des syndicats. Le pouvoir reconduit semble tenir à son projet. Mais c’est bien qu’il tire leçon de l’échec des initiatives passées, en associant notamment tous les syndicats, dans une démarche de transparence.

Le piège numéro 5 est relatif à la réduction du train de vie de l’Etat. Christophe Marie DABIRE l’a annoncé avec toute la bonne foi du monde. Mais, il ne l’a pas réussi. Parce que simplement, les intérêts immédiats des cercles du pouvoir et des caciques de l’Administration étaient menacés. Promettre de réduire le train de vie de l’Etat après des études sera vain. La meilleure option pour le nouveau PM, c’est de décider, et tout le monde suivra.

Le piège numéro 6 porte sur les lotissements. Ça grogne dans les non-lotis des deux principales villes et dans plusieurs provinces. Des promoteurs immobiliers poussent comme des champignons et grappillent du terrain. Le candidat Roch KABORE a promis le lotissement à Ouagadougou et à Bobo-Dioulasso. L’erreur, pour le nouveau gouvernement, c’est de vouloir se cacher derrière les promoteurs immobiliers pour désamorcer la bombe foncière. Il faut plutôt prendre le taureau par les cornes.

Le septième piège, et pas le moindre, est relatif au chômage des jeunes. Le nombre de postes à pourvoir dans la Fonction publique a connu une baisse au cours du premier mandat. Beaucoup de jeunes continuent de sortir des écoles sans emploi. Dans les campagnes, c’est la ruée des jeunes vers l’or, dans un élan de désespoir. Il urge que le nouveau Premier ministre et son équipe réorientent la formation des jeunes, et offrent des opportunités aux jeunes d’être employés et, mieux, créateurs d’emplois.

Si le nouveau Premier ministre évite ce piège et imprime courageusement sa marque, il réussira à coup sûr. Machiavel conseillait au Prince : «  Il faut donc être renard pour connaître les pièges et lion pour effrayer les loups. »

Charles ILBOUDO