Ce serait une redondance de dire que le Burkina Faso vit l’une des pires crises sécuritaires de son histoire. Depuis 2015, plus de 1600 morts liés à des attaques terroristes ont été enregistrés sur le territoire burkinabè. Une insurrection terroriste s’est progressivement établie dans plusieurs zones du pays, endeuillant ainsi de nombreuses familles et contraignant bon nombres d’habitants à la fuite. Ce fléau a occasionné l’exode de plus d’un million de personnes vers d’autres contrées.
La capitale Ouagadougou, surtout dans ses portions périphériques, est une grande destination pour ces populations fuyant les horreurs terroristes. Abdoulaye (nom d’emprunt), installé dans l’un de ces quartiers périphériques au Nord de Ouagadougou, fait partie de cette catégorie de déplacés. Nous avons recueilli son témoignage dans école ou il a désormais élu domicile depuis une année.
Prise d’otage, yeux bandés, documents brulés
Presque un an passé déjà, mais la mélancolie est toujours perceptible dans le récit de Abdoulaye quand il s’exprime sur sa situation de déplacé : «j’ai eu les yeux bandés durant 13 jours… Ils ont brûlé tous mes documents».
Notre interlocuteur, chauffeur de profession, la quarantaine révolue, a trouvé refuge à Ouagadougou avec sa femme et ses deux enfants après sa mésaventure face aux combattants terroristes, il y a un an de cela.
Habitant alors à Djibo, Abdoulaye conduisait un camion de marchandises qui faisait la navette entre Djibo et les autres localités du Burkina. Il raconte : «Un lundi de décembre 2019, nous devrions quitter Djibo pour Tongomael pour un déménagement… Nous avons été cernés à notre retour dans la soirée entre Kouna et Belhédé par des hommes armés. J’étais avec mon apprenti et le client qui déménageait». Abdoulaye et ses compagnons d’infortune ont été pris en otages durant 13 jours, et amenés dans une destination qui leur est inconnue. Durant toute la période de captivité, leurs yeux étaient bandés.
Exécution d’un otage, 7 heures de marche
Le client qui déménageait a été exécuté durant la détention : «Ils ont exécuté notre compagnon, brûlé mon permis de conduire et ma carte d’identité, et aussi le permis de mon apprenti. Ils ont aussi brûlé le camion». Au bout de 13 jours, Abdoulaye et son apprenti ont été libérés à proximité de Djibo. «Ils nous ont déposés vers Sibi dans la matinée aux environs de 8h, avant de nous indiquer la route de Djibo. Nous avons marché pour atteindre Djibo aux environs de 15h».
Après cette mésaventure et la perte de son activité, la situation était désespérante pour Abdoulaye qui a décidé de rallier Ouagadougou avec sa petite famille.
Logé dans une école, grâce à un bon samaritain
«A Ouagadougou j’ai pu avoir l’aide du propriétaire de cette école qui m’a permis d’habiter avec ma famille dans ce bâtiment». Abdoulaye affirme avoir reçu beaucoup d’aides des habitants environnants l’école. Par contre, il n’a jamais été enregistré dans aucun programme d’aide institutionnel. Sur le plan professionnel, Abdoulaye dit toujours être à la recherche d’un travail qui lui permettra de sortir de sa précarité. «Depuis mon arrivée à Ouagadougou j’ai pu faire des petits boulots qui m’ont permis d’économiser un peu. J’ai alors pu établir mes documents, notamment mon permis de conduire… Mais jusqu’à présent je n’arrive pas à avoir un travail qui va me permettre de me passer de l’aide des gens».
Abdoulaye émet vivement son souhait de retourner à Djibo dès que la situation sécuritaire va s’améliorer. Il souhaite que la paix puisse rapidement faire son « come-back » dans sa ville natale, Djibo.
Nabi BAYALA